Contrairement à ce qu’on croyait autrefois,

la sexualité ne reste pas

en sommeil jusqu’à la puberté…

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On sait aujourd’hui, grâce à des sondages opérés dans le subconscient, que la vie sexuelle existe chez le petit enfant, quoique sous des formes très différentes de celles de l’adulte, et qu’elle accompagne le développement de l’être pour aboutir, comme l’ensemble de la personne, à cet épanouissement merveilleux qu’est l’adolescence.

Cette acquisition récente de la science permet de comprendre que la puberté s’opérerait sans heurt et sans accroc et ne serait pas ce redoutable « tournant dangereux » qu’elle est trop souvent, si tout pouvait se passer selon le vœu de la nature, grâce à une vie familiale et sociale exempte des erreurs dont elle donne l’exemple ou dont elle est victime.

C’est surtout parce que aucune confidence ne s’établit dans ce domaine avec les parents que l’adolescent se sépare d’eux. On peut dire que moins il parle de ces choses, plus il y pense.

Cette réserve excessive, de part et d’autre, fait naître un sentiment de culpabilité et les conseils précieux, les instructions judicieuses lui font défaut au moment précis où ils sont le plus nécessaires. Il en résulte de véritables naufrages moraux dont le seul remède préventif se trouve dans une réforme et une éducation sérieuse des parents.

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Pourquoi est-il si difficile de se défendre d’un certain sentiment de gêne lorsqu’on parle de la sexualité ?

C’est que, depuis des temps très reculés, il est entendu que ce sont des questions si intimes, si personnelles, qu’il vaut mieux n’y point faire allusion.

Au fond, notre embarra connaît d’autres causes : nous avons tous eu de ces problèmes à résoudre ; de plus nous avons des expériences malheureuses, des erreurs, des fautes même à déplorer ; il se peut aussi que certains aspects de la question sexuelle soient restées pour nous à l’état de problèmes non résolus et à propos desquels de véritables complexes se sont formés, aggravés par un refoulement intense.

C’est pour toutes ces raisons que nous abordons ces sujets avec une crainte tout de même un peu hypocrite, puisque au fond nous brûlons d’envie de nous éclairer et de savoir comment les autres les ont résolus.

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Sans tomber dans les exagérations de certaines doctrines psychologiques, nous sommes bien obligés de reconnaître que la sexualité joue un rôle de très grande importance dans la vie ; tout ce qui s’y rapporte exerce une profonde influence sur le bonheur de chacun.

Toutes les fautes commises contre les organes du corps et les fonctions de l’esprit sont graves, mais aucune ne dépasse en portée individuelle et sociale celles qui se commettent contre la vie elle-même.

Or, il se trouve que l’être humain y est particulièrement exposé parce qu’il est n’est pas guidé en cela par un instinct sûr comme celui des animaux. Sa conduite devant être réglée par la raison, il faut que celle-ci soit capable de retenir le corps sur la pente dangereuse des erreurs faciles.

Lorsque deux animaux s’unissent, poussés par l’instinct de la conservation de l’espèce, nous parlons d’accouplement.

Lorsqu’un homme et une femme s’unissent d’une manière pour le moins aussi matériellement intime, nous donnons à cette union le beau nom, le très beau nom d’amour. Il est vrai que cela n’en est pas toujours car l’homme est malheureusement capable de descendre au niveau de l’animal, mais nous conservons le même nom à ce geste, au risque de prostituer un terme que nous aimerions toujours ne prononcer qu’avec émotion et respect.

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Chez l’homme, l’union des sexes s’accompagne de sentiments d’une profondeur totalement inaccessible à l’animal. Le petit de l’homme fait un long apprentissage de l’amour.

Il commence par aimer sa mère, puis son père, puis ses frères et sœurs, les personnes familières, son entourage, son village natal, son pays, l’humanité tout entière enfin.

Parmi ces amours, il en est un plus émouvant, plus sacré aussi que les autres : celui qui rapproche, qui unit un homme et une femme et met dans leurs deux cœurs le désir de vivre toujours ensemble, de s’aimer toujours, même au-delà du temps, s’il était possible, jusque dans l’éternité.

Cet amour-là est le seul capable de réaliser cette fusion intime, parfaite et définitive qui se rencontre dans les vrais foyers.

C’est de cela précisément que découle le caractère très noble de l’acte sexuel.

Il ne faut pas manquer l’occasion de souligner cette noblesse. C’est la raison pour laquelle il ne convient pas de séparer l’éducation sexuelle de l’éducation des sentiments.

On rencontre aujourd’hui trop d’occasions de voir dans l’union intime des époux un aspect matériel qui élimine la notion d’union spirituelle, plus importante encore parce que spécifiquement humaine.

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En ce qui concerne l’adolescent, nous sommes exposés à tomber dans l’un ou l’autre des deux extrêmes suivants : ou bien nous nous engageons dans des explications très objectives, en appelant à l’aide les données d’un science matérialiste et impersonnelle, ou bien nous prenons tant de détours, nous avons recours à tant de sous-entendus voilés et d’allusions subtiles que nous tombons dans une ridicule mièvrerie.

Sans doute est-il nécessaire de recourir aux données concrètes.

Nous avons des organes : l’anatomie nous les décrit ; ces organes s’acquittent de certaines fonctions : la physiologie nous les explique ; ces fonctions sont sujettes à certains dérèglements : l’hygiène nous apprend à les éviter.

Jusque-là, rien que de très normal.

Mais, remarquez-le, pas un instant l’anatomie, la physiologie et l’hygiène ne nous font quitter le plan de l’homme-animal pour nous faire monter au niveau de « l’homme-humain », si j’ose dire.

En somme, ces sciences ne nous instruisent guère que sur les particularités d’une fonction que nous possédons en commun avec les animaux. Tout cela est excellent si toutefois nous n’omettons pas de tenir compte de l’aspect moral et spirituel de ces questions.

En réalité, l’éducation sexuelle commence avec la vie, par la prise de conscience de l’atmosphère familiale et des sentiments qui unissent les parents.

C’est sur ce fonds que l’enfant va pouvoir greffer les notions qui lui parviennent peu à peu et qui finiront par former un tout suffisamment homogène.

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Si je m’attarde sur ces méthodes didactiques, c’est que certaines erreurs ont pu être commises, bien involontairement, au cours de l’éducation des parents et il faut en atténuer les effets.

L’une de ces erreurs parmi les plus graves consiste à renseigner sur la vie sexuelle avec le propos bien arrêté de mettre en garde contre elle, d’en signaler les dangers et quelquefois même d’inspirer de l’horreur pour tout ce qui s’y rapporte.

Il convient, au contraire, de montrer la beauté rayonnante et sublime d’une union aussi complète que celle de l’homme et de la femme. Certes, il faut expliquer que des renoncements sont souvent nécessaires, que dans ce domaine la licence est néfaste, que les limitations sont indispensables et que la transgression des lois de la vie entraîne, tôt ou tard, pour soi-même et pour les autres, surtout les enfants, des ennuis, des souffrances et parfois des catastrophes.

Il faut aussi faire comprendre aux jeunes que les premières expériences sexuelles, lorsqu’elles sont précoces, possèdent l’étrange propriété de fixer celui qui s’y livre au niveau affectif et social auquel il était parvenu à ce moment-là, l’exposent au danger de voir toute sa vie marquée par l’influence et le souvenir de ce premier partenaire.

Si cette influence est bonne, pourquoi la gâcher ? Et si elle était mauvaise, pourquoi ne pas avoir réfléchi assez tôt ?

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Celui qui s’engage inconsidérément dans une expérience sexuelle qui ne sera pas définitive perd, dans une certaine mesure, la possibilité d’approfondir le sens de la vie.

Il s’est laissé aller à ce qui est pour lui une espèce de jeu, ou à un entraînement, on encore à une curiosité et, de toute façon, à une faiblesse ; il a compromis en lui la possibilité de faire face à la vie d’une manière saine et virile.

On a coutume de faire comprendre aux jeunes gens et aux jeunes filles que les relations sexuelles hors mariage sont dangereuses à cause des inconvénients qu’elles peuvent apporter : réprobation sociale, maladies, naissances intempestives, etc.

Peut-être réussirait-on mieux à freiner certaines impatiences en montrant que l’on risque, en s’y abandonnant, de perdre la discipline de soi-même et la dignité humaine si nécessaires dans les luttes de la vie.

Cela n’empêche pas de faire allusion, au moment convenable, au plaisir qui résulte de la satisfaction d’un élan physique, mental et spirituel normal lorsqu’il est un prolongement sublime et délicieux de la tendresse qui unit deux êtres pour toujours.

S’il fallait en quelques mots résumer l’attitude que les adolescents doivent prendre à l’égard du problème sexuel, je dirais volontiers :

« Regardez tout bien en face, sans pruderie ni fausse honte ; cherchez à bien comprendre les faits matériels et considérez-les comme une traduction concrète des vérités spirituelles.

N’oubliez jamais que l’amour est un don de soi et qu’il n’est un épanouissement de soi-même que dans la mesure où il enrichit ceux auxquels il s’offre. »

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