Début mai, Laura Toganivalu et son mari Peter ont officialisé leur renonciation à leurs postes de pasteurs mondiaux de l’Église Hillsong. La première est la fille du fondateur de cette dénomination ébranlée par de multiples scandales sexuels couverts par des dirigeants admirés.

Les Toganivalu ont été invités le 7 mai à annoncer sur l’estrade de leur congrégation leur départ de leurs postes de responsables mondiaux de Hillsong Young & Free, le ministère de la jeunesse de la dénomination. Le père de Laura Toganivalu n’avait pas eu droit à cet honneur au moment de son retrait pour avoir caché des abus sexuels sur des enfants commis par son père, également pasteur et décédé en 2004.

Dans le monde des megachurches, Hillsong fait un peu figure à part en raison de sa dimension mondiale. Créée en 1980 à Sydney en Australie, la congrégation pentecôtiste s’est surtout fait connaître grâce à son groupe de louange Hillsong Worship dont elle a repris le premier élément du nom. Le mouvement affiche un style branché qui va au-delà des clivages interdénominationnels entre les évangéliques et touche même des jeunes catholiques.

En 2019, une passe d’armes avait eu lieu entre Marty Sampson, responsable de la louange à l’église Hillsong de Sydney et John Cooper, chanteur du groupe de rock chrétien Skillet.

Sampson avait écrit un message sur Instagram disant qu’il perdait la foi et que cela ne le dérangeait pas et qu’il était désormais en paix, ajoutant : « C’est fou ! »

Cooper avait réagi, sans le nommer, en dénonçant le culte de la personnalité dans le milieu chrétien via un message partagé depuis plus de 41 000 fois.

« Nous devons CESSER de faire des dirigeants de cultes, des leaders d’opinion ou des influenceurs, ou des gens « cool » ou des personnes « pertinentes » les personnes les plus influentes du christianisme. »

Sampson avait de suite réalisé qu’il était visé et objecté que le chanteur de Skillet n’avait pas le droit de travestir ses propos en disant qu’il essayait d’influencer les autres. L’ancien chef de la louange avait ajouté qu’il n’avait jamais cherché à attirer l’attention sur lui, mais à être honnête avec les gens. Les diverses critiques ont souligné que Sampson avait, malgré ses dénégations, mis en avant son apostasie sans ignorer l’impact que pouvait avoir cette déclaration sur tous ceux qu’il pouvait influencer.

Au-delà de cette histoire, c’est en effet bien l’influence morale et spirituelle que peuvent avoir certaines stars évangéliques sur des fidèles qui est en cause, non seulement en matière théologique par exemple quand Brian Houston avait déclaré en 2014 que les chrétiens et les musulmans servaient le même dieu, mais également quand ils profitent de leurs positions pour abuser financièrement voire sexuellement des chrétiens qui se heurtent alors, dans le cas de Hillsong, à des murs érigés pour défendre la dénomination et la réputations des présumés coupables qui sont vénérés par des fidèles.

Un culte de la personnalité qui est susceptible de conduire des victimes à se taire par crainte de ne pas être crues. La première a dire clairement la vérité fut une étudiante, ouvrant la porte à d’autres témoignages, montrant à quel point Houston dissimulait des affaires, lui qui avait déjà caché l’agression de son père sur un garçon.

Quand le scandale surgit par une affaire de sexe

Arrivée en 2016 pour étudier au collège Hillsong à Sidney, Anna Crenshaw débordait d’enthousiasme. Elle était attirée par l’énergie de l’Église :

« Au début, c’était génial, très amusant, il y avait beaucoup d’énergie, cela impliquait de rencontrer de nouvelles personnes et de nouveaux amis du monde entier et en Australie. C’était vraiment cool ! »

Mais la satisfaction de l’étudiante a vite été brisée lors d’une soirée regroupant plusieurs personnes de l’Église quand Jason Mays, un administrateur du mouvement déjà marié, s’est assis à côté d’elle et a posé sa main sur sa cuisse. Crenshaw s’est levée, mais Mays n’a pas hésité à la toucher sans se soucier du regard des autres :

« J’étais debout à côté de lui, me préparant à sortir, et il m’a attrapée et a passé ses mains autour de ma taille, entre mes jambes […] Il a soulevé ma chemise et m’a embrassé le ventre. »

Crenshaw et ses amis se sont précipités dehors et Mays a tenté de rester en leur compagnie, comme elle l’explique dans le reportage qu’a consacré l’émission 60 Minutes Australia à Hillsong.

Malgré la commission de l’agression en public, l’étudiante a fait face au silence de l’Église quand elle en a informé ses responsables en 2018. Trois mois après le signalement, ils n’avaient toujours pas interrogé Mays.

Plus encore, la femme de ce dernier est devenue la nouvelle dirigeante de la congrégation que fréquentait Crenshaw. En désespoir de cause, la jeune femme a fini par alerter son père, pasteur pentecôtiste en Pennsylvanie, aux États-Unis, qui a fait pression pour que Hillsong signale l’affaire à la police. Néanmoins, l’Église s’est montrée très peu coopérative durant l’enquête judiciaire, selon Ed Crenshaw, le père d’Anna :

« Même quand la police a mené les investigations, Hillsong n’a pas pleinement coopéré. Tout a été fait pour minimiser, rendre floue l’histoire afin qu’Anna renonce. »

Finalement, Mays a plaidé coupable, mais Hillsong lui a tout de même octroyé une promotion à la grande surprise de sa victime. Hillsong lui a donné une seconde chance car, malgré son plaider coupable, d’autres personnes n’ont pas pleinement corroboré la version de Crenshaw.

Les raisons retenues pour ignorer les aveux ne peuvent que stupéfier :

« L’une des pierres angulaires de nos croyances bibliques en tant que chrétiens est le pardon et la rédemption. Il est important que Jason en bénéficie également. »

Pour Ed Crenshaw, un tel message signifie que les parents peuvent envoyer leurs enfants au collège Hillsong sans s’attendre à ce que les responsables veillent sur eux. La dénonciation qu’a faite Anna Crenshaw a cependant permis de découvrir que de nombreux cas existaient, même de viols commis par des responsables.

Encouragée par cette exposition d’une agression, Catherine (pseudonyme) a raconté avoir été sexuellement agressée en 2018 à l’issue d’une réunion d’étude biblique dont elle était la responsable. Alors que la rencontre venait de se terminer et qu’elle rangeait le matériel avec le chef de la louange, ce dernier a fermé la porte, éteint la lumière et la violentée. Elle lui a demandé s’il allait bien, mais il s’est précipité sur elle :

« Il a attrapé mes cheveux, il m’a jetée sur une chaise de bureau, et j’ai dit : « Qu’est-ce que tu fais ? Arrête, ça ne se passera pas comme ça ! », parce que je savais alors ce qu’il allait faire. Et il a baissé mon pantalon et mes sous-vêtements et il m’a violée dans la salle des événements de l’église […] Je n’avais aucune raison de penser que je ne serais pas en sécurité [dans l’église, NDLR]. »

Après avoir agressé Catherine, le responsable s’est rhabillé et est parti sans mot dire. Quand sa victime a prévenu quelques semaines plus tard, en pleurs et en tremblant, un autre responsable, il lui a répondu qu’il ne voulait rien savoir et qu’elle devait régler l’histoire avec l’homme qu’elle accusait.

Par la suite, plusieurs anciennes étudiantes du collège de Hillsong ont dit avoir été sexuellement agressées par des responsables.

Le scandale est devenu encore plus important quand il a été révélé que le père de Brian Houston avait abusé d’enfants et que son fils, pasteur principal de la dénomination avait couvert ces abus.

Le prestige au détriment de la parole des victimes

Boz Tchividjian est l’un des petits-fils de l’évangéliste Billy Graham, il est également avocat et défend des victimes d’abus sexuels notamment dans les Églises. Durant son intervention dans le reportage de 60 Minutes Australia, Tchividjian s’indigne de l’apparence qui nie les victimes :

« Je me moque de votre façon de vous vêtir, je me moque du type de musique que vous jouez, je me moque même des messages que vous prêchez. Si les plus petits de votre congrégation et de votre communauté ne sont pas protégés et ne sont pas défendus quand ils sont blessés, ne dites pas que vous êtes une église, parce que Jésus était tout cela [l’opposé de tout, NDLR]. »

Étendue à travers le monde, Hillsong est devenue une dénomination où le culte de la personnalité conduit à cacher sous le tapis tout ce qui peut déranger. Une pratique dont le pasteur Carl Lentz, tombé en disgrâce après avoir dirigé la congrégation new-yorkaise de Hillsong, doute de l’efficacité.

Lentz, qui faisait l’objet d’un culte de la personnalité, a pu user de son influence pour avoir des aventures avec diverses femmes, il est même accusé par une ex-employée de l’avoir sexuellement agressée. Il déclare dans le documentaire « The Secrets of Hillsong » de Fx Networks :

« La vérité ne disparaît pas juste parce que vous la cachez. »

Cette vérité déborde même des scandales sexuels. Les investigations ont déjà révélé que Hillsong était engagée dans un système de larges rémunérations de pasteurs invités. Ainsi le pasteur américain T.D. Jakes a touché 150 000 dollars australiens pour sa participation d’une journée à Hillsong où il a prêché. Le mouvement associe renommée des pasteurs invités et rétribution selon leur importance.

Jean Sarpédon

Infochrétienne.com