Le film Noé a fait couler beaucoup d’encre,

avant même qu’on en connaisse le scénario!

On se demandait comment un réalisateur

hollywoodien non-chrétien allait rendre

compte d’un récit biblique aussi important.

Nous avons vu le film en avant-première pour

vous. L’enjeu est double, finalement:

Noah est-il fidèle à la Bible au niveau de la

trame? Les valeurs qui en ressortent

sont-elles conformes au message biblique?

Analyse. 

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Un film de 2h15 pour retracer quatre chapitres de la Bible? On devait nécessairement s’attendre à certaines libertés de la part du réalisateur, pour «meubler» un peu. Nous y reviendrons. Mais on était aussi en droit d’espérer que le film soit au moins fidèle aux grandes lignes du récit. Si le déluge n’avait été qu’une poussive tempête locale ou si 200 personnes étaient entrées dans l’arche, on aurait pu à juste titre crier au loup. Mais sur ce point, le réalisateur Darren Aronofsky n’a pas failli. La perversion de l’humanité, la construction de l’arche et l’entrée des animaux, le récit du déluge avec ses conséquences: ces éléments sont présents. Même certains faits qui relèvent presque du «détail» n’ont pas été oubliés, à l’image de la colombe qui revient avec une feuille d’olivier pour signaler le retour des beaux jours.

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Des variantes plus ou moins crédibles…
Mais les ajouts et les «variantes» ne manquent pas non plus… Un Mathusalem en vieux sage aux pouvoirs magiques, adepte de baies sauvages. Des géants de pierre, version Le Hobbit, sortes d’anges déchus à la quête d’une rédemption.
Une relique héritée du jardin d’Eden. Ces éléments ne changent cependant pas le sens général de l’histoire, ils font plutôt partie de l’enrobage. Par contre, Darren Aronofsky franchit une étape supérieure en romançant des personnages dont la Bible ne dit quasiment rien. Dans l’Ecriture, en effet, tout tourne autour de Noé, si bien qu’on sait fort peu de choses de sa femme, de ses fils, de ses belles-filles et même de leurs contemporains. Or Darren Aronofsky leur accorde des rôles majeurs.

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Grande imagination du réalisateur!
Un exemple: partant certainement du fameux épisode où Cham voit la nudité de son père, le réalisateur construit dès le début un Cham un peu ambigu, différent des autres membres de la famille. Peut-être était-ce vrai, peut-être pas. Le spectateur chrétien saura faire la part des choses, sans forcément s’indigner de ces libertés. De même, les contemporains de Noé sont dépeints avec beaucoup d’imagination. Après tout, la Bible dit simplement, avec beaucoup de concision, que «la méchanceté de l’homme était grande sur la terre et que chaque jour son cœur ne concevait que des pensées mauvaises». Là encore, pas de quoi s’irriter outre mesure…

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Le contraste entre les bons et les méchants est réussi
Au contraire, le réalisateur fait ressortir avec un certain brio le contraste saisissant entre cette humanité corrompue et la famille de Noé, attachée à la justice et révoltée par tant de mal. Darren Aronofsky, en tout cas dans la première partie du film, se garde d’une sensiblerie qui tournerait à la compassion larmoyante pour de pauvres victimes d’un jugement disproportionné. Le spectateur est même projeté jusqu’à la création et au péché d’Adam et Eve, lequel détermine ce que sera désormais l’histoire de l’humanité jusqu’à Noé: un conflit irrémédiable entre deux camps. D’un côté, la majorité des humains, qui refusent de reconnaître l’autorité du Créateur et préfèrent être leurs propres dieux, sombrant dans la violence et l’orgueil. De l’autre, un reste fidèle, composé de quelques justes qui gardent un grand respect pour Dieu, cherchant à lui obéir et à accomplir le mandat confié dès les origines: protéger la création.

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Quand Noé devient un peu fou…
Qu’en est-il du héros de notre histoire, Noé? Et Dieu, quel est son rôle dans le film? Sur ce point, le spectateur ressort un peu confus. Noé est certes dépeint comme un homme juste, prêt à tout pour obéir à son Créateur. Son intégrité est exemplaire. Mais le réalisateur, dans une deuxième partie de film qui n’a plus rien à voir avec le récit biblique, sème le doute: Noé est-il si bon que cela? Darren Aronofsky se sert des autres héros du récit pour remettre en question un homme qui, à force d’obéir aveuglément à son Créateur, en devient presque fou. La belle-fille et la femme de Noé, dont le récit biblique ne dit rien, sont finalement plus justes que Noé. Il faut dire aussi que les jolis sourires et les larmes d’Emma Watson et Jennifer Connelly sont plus attendrissants que la barbe touffue de notre ami Noé…

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Un Dieu bien discret
Et tout au long de ces relations complexes au sein de la famille noachique, dans l’arche, le spectateur ne sait plus vraiment que penser de Dieu et de ses plans. Avait-il prévu d’exterminer toute l’humanité, y compris Noé et sa famille? Les doutes de Noé et de sa famille deviennent ceux du spectateur. Les frontières entre le bien et le mal, si limpides au début du récit, s’atténuent au fur et à mesure… La faute peut-être à une présentation peu claire de la personne de Dieu?
Car dans l’ensemble du film, Dieu est relativement discret, voire passif. On ne l’entend jamais parler directement, on ne sait pas vraiment si les convictions «divines» de Noé sont crédibles ou non. D’ailleurs, dans tout le film, le «Dieu dit, Noé exécuta sans discuter» de la Bible devient un «Noé, en proie au doute, doit tâcher de prendre les bonnes décisions et de décrypter la voix de Dieu». Cette confusion, aux relents d’humanisme, se perçoit particulièrement dans le choix délibéré du réalisateur d’esquiver le renouvellement de l’alliance dont nous parle Genèse 9. Le spectateur ressort de la salle en sachant que, dans le film, Dieu existe objectivement; mais il ne sait finalement pas grand-chose de ce Dieu et des relations qu’il désire entretenir avec l’homme.

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