« C’est le moment où le jugement va

commencer par la maison de Dieu ».

1 Pierre 4.17

.

Ce texte est généralement utilisé pour parler du jugement divin à la fin des temps.

Les enfants de Dieu semblent concernés par une investigation dans le cadre d’un jugement céleste.

Mais de quel jugement s’agit-il ? Quand a-t-il lieu ? Et pourquoi cette distinction entre les enfants de Dieu et les autres ?

Voici plusieurs éléments de réponse à partir de quelques considérations lexicales et grammaticales du texte.

 

Le passage qui nous intéresse se trouve dans une épître adressée par l’apôtre Pierre à plusieurs communautés chrétiennes.

Il s’agit d’une lettre circulaire pour des chrétiens en prise avec la persécution. Son propos est essentiellement d’exhorter et de réconforter les destinataires (chapitre 5, verset 12).

.

Le moment du jugement

Le verset 17 du chapitre 4 commence par une conjonction de coordination « car ».

Il y a donc un lien logique entre ce verset et celui qui précède. En grec, ce lien est encore plus marqué puisque c’est le mot « hoti » qui est utilisé. Il signifie « parce que » et il exprime un lien de causalité bien plus fort.

La compréhension de cette phrase est grammaticalement dépendante du verset 16, faisant du verset 17 une explication : « Mais si quelqu’un souffre comme chrétien, qu’il n’en ait point honte, et que plutôt il glorifie Dieu à cause de ce nom ». Le verset 16 constitue donc l’antécédent du pronom utilisé dans le verset 17 : »c' » (ceci) est le moment. De quel moment s’agit-il ? Du moment dont nous parle le verset 16 « celui où un chrétien est persécuté pour le nom du Christ. »

Le texte grec est très explicite sur ce point puisque le verbe « commencer » n’est pas au futur (périphrasique) comme dans la version française.

Le texte grec utilise un infinitif dans le cadre d’une proposition finale que nous pourrions traduire littéralement par : « parce que c’est le moment pour commencer le jugement… ». Le jugement dont parle Pierre est donc en lien direct avec la persécution des chrétiens dont il vient de parler.

En effet, l’épître consacre une grande place aux souffrances des chrétiens.

Lorsque ceux-ci passe par l’épreuve, ce n’est pas anormal (4.12), et ils ne devraient pas en être troublés (3.14) ; car ils participent aux souffrances du Christ (4.13). Pierre n’écrit pas en pensant à des souffrances à venir, mais pour les chrétiens qui souffraient à son époque et qui étaient mis à l’épreuve dans « la fournaise » (4.12).

Et il explique que cette souffrance des chrétiens est la raison du jugement qui commence. Cette persécution détermine donc le début du jugement tant pour les enfants de Dieu que pour les persécuteurs.

Quand le jugement de la maison de Dieu commence-t-il ? « Au moment où » quelqu’un souffre à cause de sa foi. Ce n’est pas seulement à la fin des temps, mais tout au long de l’histoire chrétienne que ce jugement intervient.

.
La nature du jugement

Mais de quel jugement s’agit-il ? Le mot « jugement » peut indiquer l’action d’examiner, d’investiguer, ou encore la sentence prononcée. Ceci correspond à deux mots différents en grec.

Il n’y a donc pas d’ambiguïté. Le mot utilisé dans ce texte pour « jugement » n’est pas le mot « krisis » qui parle du processus, mais le mot « krima » qui parle du résultat, de la sentence. Il ne s’agit pas du début d’un processus du jugement, mais plutôt d’un verdict qui est donné. C’est une sentence qui est prononcée pour les justes persécutés, tout comme pour les persécuteurs.

Le jugement du chrétien a pour but de le réhabiliter. Dieu veut être juste tout en justifiant celui qui ne mérite pas de vivre (Romains 3.26). Et il le fait par les mérites du Christ.

Le jugement est donc une bonne nouvelle pour les enfants de Dieu. Le juge est en notre faveur (Jean 5.22) ; et nous avons un avocat qui est mort pour nous (1 Jean 2.1-3).

C’est pour cela que le jugement est toujours un sujet de joie et de réjouissance pour les rachetés à qui justice est faite (Daniel 7.22,26,27 ; Apocalypse 6.10 ; 11.15-18 ; 14.6,7 ; 18.20 ; 19.2). L’on comprend mieux pourquoi Pierre rappelle aux chrétiens ce jugement (la relaxe) pour les encourager dans leurs souffrances.

Nous avons souligné que le texte parle du commencement du jugement dans une proposition finale (pour commencer le jugement).

La finalité du moment d’épreuve du chrétien est donc le jugement (le verdict). Quand quelqu’un souffre pour Christ, il se positionne comme ayant pris fait et cause pour Christ, comme se prévalant de ses mérites, et il est donc réhabilité. Son jugement commence dans le sens où il manifeste par son attitude qu’il a déjà été justifié par Jésus-Christ. Son choix le positionne comme appartenant à celui qui sauve. Ceux qui souffrent pour le nom de Christ sont déclarés, par un jugement prononcé, justes et sauvés en Jésus-Christ.

C’est rassurant de comprendre que Dieu prononce un jugement qui me réhabilite chaque fois que je choisis de lui rester fidèle.

.
L’ordre du jugement

Le texte nous dit que le jugement commence « à partir de la maison de Dieu » (cf Esaïe 10.12 ; Ezéchiel 9.6).

Y aurait-il un ordre de passage devant le tribunal céleste, d’abord les justes puis les désobéissants ? Notons que le mot « moment » traduit non pas le mot grec « chronos » mais le mot « chairos ».

Celui-ci marque davantage la qualité du temps et non le timing. Nous avons également noté que ce « commencement » n’est pas au futur faisant référence exclusivement à la fin des temps, mais à tous les moments de persécution à travers l’histoire de l’Église.

Par ailleurs, il serait difficile de comprendre l’argument de Pierre si la chronologie expliquait la sévérité avec laquelle les désobéissants étaient jugés. Et puisque Dieu est hors du temps, l’on pourrait comprendre ce début dans le sens d’un acte fondateur.

Christ est le premier-né d’entre les morts (Apocalypse 1.5 ; Romains 8.29) n’est pourtant pas le premier à être ressuscité. Bien avant lui, Moïse, Lazare… ont connu la résurrection. Mais sa résurrection est celle qui a rendu toutes les autres possibles.

Ici ce n’est pas tant l’aspect chronologique qui est souligné, mais le principe fondateur. De même, le persécuté pose par son témoignage un acte qui fonde un jugement pour sa propre réhabilitation en Christ, mais aussi de condamnation du désobéissant.

En effet, le jugement qui réhabilite le croyant sera une désapprobation pour ceux qui n’obéissent pas. Si notre réhabilitation commence lorsque nous prenons position pour Christ, à combien plus forte raison la condamnation commence-t-elle pour ceux qui prennent position contre Christ et ses enfants.

« Or si c’est par nous qu’il commence, quelle sera la fin de ceux qui n’obéissent pas à l’Évangile de Dieu ? » (4.17). La fin dramatique de ceux qui ne croient pas n’est pas une question de chronologie, mais de prise de position. Nous n’avons pas besoin de nous préoccuper de ceux qui nous persécutent, car c’est Dieu qui s’en occupe.

C’est donc un message plein d’espoir que Pierre désirait apporter à tous ceux qui souffraient pour le Christ. Loin de les effrayer par le rappel d’une investigation céleste sur leur vie, il leur a expliqué que leur persévérance était déjà récompensée; Leur engagement sur terre était acté dans le ciel. Et comme eux, nous pouvons sans crainte « remettre notre âme au fidèle Créateur » (4.19).

Il n’est pas toujours facile de lire la Bible sans le filtre de nos interprétations habituelles.

Mais si nous nous attachons à une lecture attentive du texte pour le considérer pour ce qu’il est, nous pouvons en tirer de riches bénédictions. Les paroles de Pierre deviennent alors un réconfort (et non un sujet de crainte) pour tous ceux qui souffrent aujourd’hui.

Bien que la Bible nous parle de l’instruction du jugement (que certains appellent « le jugement investigatif) à la fin des temps, nous n’avons pas besoin de nous inquiéter inutilement à la pensée que notre cas est passé en revue au ciel.

Car le jugement est rassurant pour le peuple de Dieu qui est réhabilité au cœur même de la souffrance depuis le début de l’histoire de l’Église.

Le jugement n’est donc pas une condamnation, mais une libération pour le peuple de Dieu. C’est en effet dans la fournaise de la persécution que se révèle la réhabilitation du croyant.

.