Le chameau et le trou de l’aiguille

  En répondant à un jeune homme,

Jésus utilise une image intrigante.

Que voulait-Il faire comprendre? 

Profitons-en pour ‘jouer’ un peu

avec la langue hébraïque…

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« Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu » (Mt. 19.24)
 
Voilà une déclaration que Jésus fait en conclusion de son dialogue avec un jeune homme riche qui vient demander ce qu’il doit faire pour avoir la vie éternelle. Comment faut-il comprendre cette image ?
Plusieurs pistes sont avancées :
Certains pensent qu’il faut prendre l’image au sens littéral. Jésus voudrait alors faire comprendre qu’il est impossible pour un riche d’entrer dans le Royaume de Dieu.

Selon certains savants il y a eu confusion entre deux mots Grecs : KAMELON = chameau et KAMILON = corde. 

Notons en passant que  l’araméen GAMLA peut signifier aussi bien chameau que corde (faite de poils de chameau). L’image ne suggèrerait alors pas l’impossibilité mais plutôt la difficulté.

L’explication la plus répandue suggère qu’il y avait une petite porte à Jérusalem, appelée ‘Trou de l’Aiguille’. Après le coucher du soleil, cette porte restait ouverte plus longtemps que les grandes portes qui étaient plus difficiles à défendre. Les chameaux ne pouvaient y passer qu’en se défaisant de toutes leurs charges.  Malheureusement, on n’a pas trouvé des traces archéologiques de cela, et l’expression ‘trou d’une aiguille’ (et non pas ‘trou de l’aiguille’) ne semble pas vraiment

confirmer cette explication…
 
 
D’autres pensent qu’il s’agit d’une petite porte subsidiaire enchâssée dans un grand portail, présentant les mêmes difficultés pour un marchand qui voulait entrer dans la ville avec son chameau chargé. L’image est parlante et n’a pas besoin de grand commentaire. 
D’autres commentateurs voient dans l’image que Jésus utilise une « hyperbole » (ou exagération), une figure de style habituelle dans le langage oriental. L’expression : la poutre dans ton œil en serait un autre exemple. Jésus voudrait alors dire que ce n’est pas forcément évident pour un riche d’accepter la mentalité du Royaume.
 

 
Jouer avec la langue hébraïque
L’hébreu est une langue qui invite à jouer avec les lettres, les sens et les pictogrammes. 
Même si nous ne devons pas forcément chercher là le premier sens, il est fort probable que Jésus tenait compte de ces images connues pour appuyer son enseignementt.

Chameau, “Gamal” (en Anglais: camel), vient du verbe distribuer, rétribuer, faire participer aux bénéfices.

‘Gamal’ est apparenté à la 3ème lettre de l’alphabet hébraïque : GIMEL. Le pictogramme de cette lettre a la forme de quelqu’un qui marche.
L’hébreu se lit de droite à gauche… La lettre GIMEL vient après la lettre BETH (qui signifie: maison – pensez à Bethléhem = maison du pain) et avant la lettre DALETH, qui signifie « pauvre ». 
Selon la Midrash (commentaire rabbinique), le GIMEL suggère un homme riche qui quitte sa maison (BETH) en courant à la rencontre du pauvre DALETH avec qui il partage ses bénéfices.

Tout ce jeu de lettres et de mots souligne moins l’idée que l’homme devrait se défaire de toutes les choses matérielles (ce qui est un discours religieux habituel mais assez moralisant), mais accentue plutôt la nécessité d’un élan du cœur qui conduit à un mouvement sincère et spontané vers les autres. C’est peut-être ce qui manquait à ce jeune homme riche qui semblait se contenter de ses devoirs religieux…

 

 Que voulait dire Jésus ?
S’il est vrai que la richesse n’achète pas le salut (et même pas le bonheur). De là à dire qu’il est impossible pour un riche d’entrer dans le Royaume…
La richesse n’était-elle pas présentée dans l’Ancien Testament comme une bénédiction de Dieu ? (Pensez à Abraham, à Salomon…)
 
 
Par contre, il est vrai que la richesse rend certaines choses bien difficiles. 
Au début de son ministère, Jésus soulignait l’importance d’une conversion (litt. = changement de mentalité). Et cela s’avère souvent bien difficile pour quelqu’un qui se sait (ou se croit) riche (et là nous ne parlons pas uniquement de richesses matérielles :
Ne lisons-nous pas dans l’Apocalypse : « Tu dis ‘ je suis riche, je ne manque de rien…’ et tu ne sais pas que tu es pauvre, nu…. »)
 
Je ne pense pas que Jésus demande vrai­ment à chacun de tout abandonner et tout distribuer. Il veut faire comprendre que rien (ni la richesse matérielle, ni la présumée richesse spirituelle) ne devrait étouffer en nous l’élan du cœur. Le jeune homme riche pensait qu’il suffisait d‘être en ordre en gardant méticuleusement les commandements.  Pour Jésus ‘le Royaume’ ne veut pas dire ‘être en ordre’, mais être animé par l’élan du Royaume

Aux hommes cela est impossible, mais à Dieu tout est possible
 
Une Midrash sur le Cantique des Cantiques propose une belle image :
« Le Saint dit : ouvrez-moi une porte aussi grande que le trou d’une aiguille, et j’ouvrirai pour toi une porte par où tu peux entrer avec des tentes et des chameaux. »  
 
Voilà un encouragement à ouvrir, ne fut-ce qu’un peu, notre porte… qui sait quelles bonnes surprises nous attendent !